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Bordeaux 2025 : petit volume, grande ambition

Bordeaux, Vendanges 2025 : précocité, petits volumes mais fort potentiel qualitatif

La campagne 2025 à Bordeaux a été marquée par une précocité notable. Après un printemps humide, la vigne est entrée dès la fin mai dans une phase de stress hydrique durable. L’été a été chaud, ponctué d’averses localisées qui n’ont pas suffi à compenser le déficit structurel d’eau, même si les pluies de début septembre ont apporté un réel soulagement, notamment pour le cabernet franc qui ont pu parachever leurs maturités. Dans certains secteurs, la précocité a été exceptionnelle, avec des vendanges en blanc ayant débuté dès la première quinzaine d’août, un phénomène inédit de mémoire de vigneron dans ces zones. Les vendanges ont ainsi débuté très tôt, signe d’une maturation accélérée et d’une année complexe dans le contexte climatique actuel.

Dans ce cadre, il convient toutefois de rester prudent sur l’interprétation du stress hydrique. La vigne aime un peu de stress, c’est une plante rustique d’origine méditerranéenne, qui résiste davantage qu’on ne le pense. L’année a par ailleurs été marquée par trois périodes très chaudes, dont celle du 15 août qui a fragilisé les pellicules des baies déjà bien vérées, mais sans nuits caniculaires, plutôt fraîches, ce qui a limité l’intensité du stress hydrique. À cela s’est ajoutée une absence notable de maladie: pratiquement aucune pression majeure n’a perturbé les chantiers de vendanges, ce qui a permis un travail serein et des raisins dans un excellent état sanitaire.

Sur le plan quantitatif, la production Girondine est estimée à environ 3,7 millions d’hectolitres, un niveau similaire à celui de 2024 mais inférieur d’environ 15 % à la moyenne des cinq dernières années. Cette contraction des volumes s’inscrit dans un contexte d’ajustement structurel du vignoble, avec près de 8 000 hectares arrachés officiellement ces derniers temps. À cela s’ajoute un constat général partagé dans tout le vignoble:les rendements sont faibles, malgré un début de saison prometteur, avec une moyenne souvent située autour de 30 hectolitres par hectare, conséquence d’un nombre réduit de grappes, de baies petites et d’une déshydratation marquée.

Les volumes en blancs sont historiquement bas. L’ensemble du vignoble bordelais ne devrait pas dépasser environ 250 000 à 270 000 hectolitres en blanc, soit une baisse d’environ un quart par rapport à la moyenne récente. Le stress hydrique a réduit le volume de jus par baie, notamment en Entre deux Mers et sur certaines croupes graveleuses. Les blancs secs présentent néanmoins des acidités préservées, une tension intéressante et une aromatique nette, même si sur certains terroirs il y a clairement eu des blocages de maturité.

En ce qui concerne les vins rouges, la concentration est marquée. Les baies sont petites, peu nombreuses, la couleur intense et profonde, l’aromatique fraîche et précise et les tannins fins et définis. De manière générale le merlot a davantage souffert des épisodes de chaleur et du manque d’eau, tandis que les cabernets ont montré une meilleure résistance. L’équilibre alcool acidité est bon, il y a de belles fraîcheurs et un joli potentiel. Toutefois certains types de terroirs ont clairement souffert avec des blocages de maturité, des maturités hétérogènes sur une même grappe ou encore de la défoliation.

À ce sujet, rappel utile pour nuancer les perceptions collectives du millésime: en 2003 le merlot a donné de très beaux vins malgré la sécheresse, alors que l’idée de stress hydrique avait fortement conditionné les palais de nombreux dégustateurs. Et comme le rappelle Michel, en 1947 il n’y avait presque plus de feuilles, ce qui n’a pas empêché ce millésime d’être mythique à Pomerol et dans le proche Saint Émilion. En 2025, la clé demeure l’équilibre entre alcool, acidité et tannins, en quantité et densité suffisantes pour assurer harmonie et puissance.

Une importante hétérogénéité entre les terroirs

Les contrastes géographiques sont nets. Sur la rive gauche, en Médoc comme en Haut Médoc, les vendanges ont été rapides, donnant des vins à trame tannique affirmée et à texture dense. En rive droite, le plateau de Pomerol a été exposé à la sécheresse estivale et a produit des grains souvent petits, mais il est inexact de considérer que la vigne y a outrageusement souffert. Les terroirs argilo calcaires ont eux aussi connu des surchauffes foliaires et produit de petites baies. La concentration est remarquable, les volumes demeurent réduits, mais l’équilibre est là et impose la prudence dans les jugements définitifs. Dans les terroirs de Saint Émilion les mieux ventilés et les plus profonds, les maturités sont homogènes et les équilibres très prometteurs. Les argiles ont bien réagi, les calcaires ont parfois souffert mais ont bénéficié de sources d’eau souterraine. À l’inverse, les zones sableuses ont difficilement vécu cette sécheresse.

En Graves et en Pessac Léognan, les blancs comme les rouges présentent une matière concentrée et un état sanitaire satisfaisant. La qualité est portée par la précision des extractions et la gestion minutieuse des macérations.

À Sauternes et Barsac, les volumes sont modestes mais les conditions ont été particulièrement intéressantes. Grâce aux pluies de fin août, le botrytis s’est installé très tôt, dans une dynamique inhabituelle par sa précocité. Cette installation précoce a favorisé une intensité aromatique remarquable, une grande fraîcheur et un style attendu particulièrement élégant. Les premiers jus laissent entrevoir des liquoreux de très haut potentiel, avec une définition nette et une complexité d’ensemble portée par cette dynamique du botrytis.

De manière générale les rendements se situent entre 25 et au mieux 35 hectolitres par hectare. La diversité des réponses de la vigne aux contraintes hydriques confirme qu’une lecture fine par terroir s’impose, et que l’expérience de conduite de parcelle, l’ajustement des dates de récolte et la maîtrise des extractions feront la différence.

En conclusion, 2025 s’annonce comme un millésime de petit volume mais très qualitatif à Bordeaux. Les contraintes hydriques, la précocité extrême dans certains secteurs, les faibles rendements et l’absence de maladies ont façonné une récolte concentrée, saine et prometteuse. L’équilibre entre alcool, acidité et tannins se dessine avec suffisamment de densité pour assurer harmonie et puissance, tandis qu’à Sauternes et Barsac la précocité du botrytis laisse espérer des liquoreux de haut niveau. Un millésime atypique mais porteur d’un potentiel évident.

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