« Sorry… No Beaches ! »

Bienvenue à Naoussa, la patrie du Xinomavro

 

 

« Désolé… pas de plages ! » C’est le slogan brutal et ironique utilisé par l’office du tourisme local pour promouvoir Naoussa – un mélange de réalité et de sémantique ludique. En réalité, cette phrase convient parfaitement à la ville, connue historiquement sous le nom de « Naoussa héroïque » en raison du tragique suicide collectif de femmes et d’enfants pendant la guerre d’indépendance grecque, en 1822. Plutôt que de retourner sous la domination ottomane, ils ont choisi de se noyer dans la rivière Arapitsa.

La même phrase pourrait tout aussi bien s’appliquer au Xinomavro, le raisin dont Naoussa est la capitale incontestée. Il s’agit d’un cépage coriace. Souvent à peau épaisse, riche en tannins. « Masculin », diront certains. Il a trouvé sa place dans la région d’Imathia, dont Naoussa est le cœur. C’est la Macédoine centrale, à 100 kilomètres à l’ouest de Thessalonique, un port clé qui relie l’Europe de l’Ouest à l’Europe de l’Est.

Depuis la place principale animée de Naoussa, à 330 mètres d’altitude, on peut apercevoir l’horizon à travers les arbres du parc municipal. Le paysage se confond avec lui-même. La colline s’abaisse fortement, créant une sorte de balcon naturel. Ce qui ressemble à la mer, vu d’en haut, est en fait la plaine où coule lentement la rivière Arapitsa. Le microclimat local doit beaucoup au mont Vermio – enneigé en hiver – qui tempère les températures. Les journées sont chaudes, mais la nuit, un pull est indispensable en raison de la chute brutale des températures.

Ces conditions sont idéales pour le Xinomavro, un raisin typiquement marqué par des notes distinctes : fruits noirs (mûre plus que cerise ou fraise), notes de betterave, de pulpe de tomate et de feuilles, superposées à des arômes de terre et de menthol frais. Les choix de vinification façonnent son profil – léger et croquant ou structuré et apte à vieillir, souvent au-delà de dix ans. Cette question est au centre d’un débat permanent au sein de l’Association des vignerons et producteurs de Naoussa.

L’effort de modernisation du style n’est pas passé inaperçu. Le Master of Wine grec Konstantinos Lazarakis, s’exprimant à Naoussa le 30 mai lors de la cérémonie de remise des prix du concours international des vins des Balkans, l’a exprimé en ces termes : « Le Xinomavro n’est pas un cépage facile à gérer. Il y a vingt ans, un raisin difficile n’avait aucune chance commerciale. Aujourd’hui, les choses ont changé. Nous sommes attirés par des raisins plus complexes, plus viscéraux. Dans les années 80 et 90, tout le monde buvait du cabernet et du chardonnay parce que c’étaient des vins faciles, évidents et riches qui sautaient dans le verre. Aujourd’hui, ce type de vin, pour utiliser un mot grec, est en train de devenir un anathème. Les amateurs de vin en général peuvent encore apprécier ces cépages classiques. Mais de nombreux vignerons, journalistes spécialisés dans le vin et sommeliers recherchent quelque chose de plus difficile à interpréter. Nous le voyons dans l’art, nous le voyons dans le cinéma. À mesure que les genres évoluent, l’attention se déplace de l’évident vers l’obscur. C’est l’essence même du Xinomavro. »

M. Lazarakis ajoute : « Cela dit, le Xinomavro peut produire d’excellents rosés et vins mousseux, tant blancs que rosés. Quant aux vins rouges, ils couvrent tout le spectre. Des styles vifs et frais aux vins de type Barolo qui ont besoin de plusieurs décennies pour s’épanouir pleinement. »

En fait, le Barolo a depuis longtemps dépassé sa réputation d’être trop tannique et austère, comme en témoignent les récents millésimes « Anteprima ». En Italie, si le Xinomavro ressemble à un vin, ce n’est généralement pas le Barolo, mais le Taurasi – le noble Aglianico d’Avellino, en Campanie. Comme le Naoussa, le Taurasi est en train de réévaluer ses limites et ses vertus, en vue d’une identité plus contemporaine.

Ce qui surprend le plus dans les remarquables vins rouges à base de Xinomavro du cœur de la Macédoine, c’est leur rapport qualité-prix exceptionnel. « Bienvenue en Grèce », déclare M. Lazarakis. « À part Santorin, pour diverses raisons, nous avons longtemps eu une vision très conservatrice et démodée des prix. Aujourd’hui, dans le monde du vin, si une bouteille n’est pas chère, les gens supposent qu’elle n’est pas bonne. Mais croyez-moi : pour de nombreux vins grecs, si vous changiez l’étiquette et écriviez « Toscane », les gens paieraient dix fois plus ».

C’est comme un transat dans une station balnéaire huppée : il est souvent hors de prix et n’est pas forcément plus propre qu’une plage publique. Mais à Naoussa, encore une fois, il n’y a « pas de plage ». Juste Xinomavro. Et beaucoup de choses à découvrir.