La genèse du sauvignon blanc
Le Domaine Masson-Blondelet, situé dans la Vallée de la Loire, offre une expérience unique à tous les amateurs de Sauvignon Blanc. La 14ème* génération est aujourd’hui à l’œuvre, soutenue par la 13ème, pour poursuivre son chemin tout en forgeant sa propre histoire. Rencontre avec Mélanie Masson qui, selon la saison, porte des bottes pour la vinification ou des talons pour la vente !
VertdeVin: Pourquoi avez-vous décidé de faire du vin ?
Mélanie Masson: Nous sommes la 14e génération au Domaine… Nous avions donc toujours une certaine pression sur nous. Mais ma mère m’a toujours poussé à faire des études générales et à regarder ailleurs. La propriété vient de son côté : avant elle, c’était ma grand-mère et mon grand-père qui exploitaient le vignoble. Alors, j’ai cherché ailleurs… J’ai fait Sciences Po, puis une école de commerce : donc vraiment rien à voir avec le monde du vin. J’ai travaillé dans de grandes entreprises, et ça a fini par me dégoûter. En 2000, j’ai dit « non, stop ! ». Ce n’était pas ce que je voulais faire. Je suis revenu à mes racines, je suis revenu au domaine, à la campagne, et j’ai décidé de travailler « pour moi ». Et je ne vais pas mentir, j’adore le vin, surtout le vin blanc. C’était donc une évidence. Pour mon frère Pierre-François, c’était une autre histoire car il a fait des études de viticulture : il avait choisi dès le départ de travailler dans ce monde. Cela ne l’a pas empêché d’aller voir ailleurs, en Nouvelle-Zélande, en Allemagne et en Bourgogne !
Aujourd’hui, j’encourage mon fils à faire de même. Parce que notre métier demande beaucoup de passion et de liberté. Mais nous sommes aussi profondément attachés, profondément enracinés dans notre terroir.
VdV: Quel est l’histoire de la propriété ?
M.M: Le vignoble est né à Pouilly-sur-Loire, sur la route de Paris. Notre mère, Michelle Blondelet, a annoncé à ses parents en 1972 qu’elle voulait être vigneronne. Ce n’était pas très courant pour les femmes à l’époque, et cela a dû être difficile. Mais ce n’était pas trop difficile non plus car, avec le recul, je me rends compte que mes grands-parents étaient très ouverts d’esprit. D’ailleurs, ils ont eu deux enfants, deux filles, et elles sont toutes les deux devenues vigneronnes ! Dans d’autres familles, cela n’aurait pas été accepté.
Jean-Michel Masson, notre père, était l’aîné de cinq enfants, et comme il n’avait pas d’argent pour payer ses études de droit à Dijon, il a travaillé dans les vignes en Bourgogne. Comme vous le savez, on n’y mélange pas les terroirs. Quand il est arrivé dans la propriété de sa future femme, il a été surpris qu’elle fasse des assemblages ! C’est lui qui lui a donné l’idée de faire des cuvées mono-parcellaires.
Après leur mariage en 1975, nos parents ont fait construire leur cave gravitaire et ont commencé à élaborer des vins en fonction du terroir : calcaire, marne, et enfin silex…. Ce sont des pionniers. D’ailleurs, l’un des grands défis de mon père était de ne pas utiliser de désherbant et de faire des labours… Les voisins disaient qu’il était fou ! Même son beau-père n’en revenait pas. Il faut dire que le travail de la vigne est très pénible, très physique. Alors, cette génération, à qui on a proposé des produits chimiques pour les libérer des contraintes physiques, il faut la comprendre, il ne faut pas la juger. Ils n’avaient pas les connaissances que nous avons aujourd’hui sur les effets de ces produits. D’ailleurs, pour l’anecdote, nous avons une pompe à vin devant le domaine : celle de mon grand-père. Les gens nous demandent souvent ce que c’est. Nous leur expliquons qu’elle fonctionnait à la force des bras ! Aujourd’hui, nous avons des télécommandes pour cela. C’était une autre époque, un autre métier.
VdV: Où se trouve le domaine et que faites-vous ?
M.M: Nous avons 18 hectares de Pouilly Fumé et 4 hectares de Sancerre. Soit 22 hectares au total, avec une grande majorité de sauvignon blanc, bien sûr, et un peu de chasselas.
Nous produisons plusieurs cuvées : 3 vins par terroir pour le Pouilly Fumé (calcaire, marne, silex) composé à 100% de Sauvignon Blanc. Nous avons également la chance d’avoir une parcelle appelée « Clos du Château Paladi » au centre du village de Pouilly, avec de très vieilles vignes (45 ans). Nous avons aussi la cuvée « Tradition Cullus », issue de nos plus vieilles vignes (60 ans) qui est la seule vinifiée en demi-muids de chêne. Ensuite, selon les années, nous produisons une toute petite cuvée « D’or et Diamant » de 2 000 bouteilles. Enfin, pour le Sancerre, nous avons deux vins.
VdV: Quelle est la signature de vos vins ?
M.M: Nos vins sont francs, précis, directs et ciselés. C’est notre style. Nous recherchons la minéralité, la fraîcheur ; c’est propre, c’est direct !
VdV: Y a-t-il des projets à venir à la propriété ?
M.M: Nous avons déposé un dossier expérimental pour essayer de planter des cépages résistants. Nous sommes les premiers dans le Val de Loire à le faire. Mais nous n’avons pas encore réussi à trouver la bonne méthode. On apprend de ses erreurs, même si je ne suis pas sûr que celle-ci en fasse partie. Nous avons également mené un projet dans la région des Corbières, avant de nous rendre compte que, non, c’est ici, dans la région de la Loire, que nous devrions rester. Il faut parfois partir pour revenir !