Armand Heitz

Durabilité, économie circulaire en Bourgogne.

De la vigne à la table

 

 

Il est difficile de définir Armand Heitz, car il est tout à la fois : vigneron, entrepreneur, agronome, écologiste, lecteur cultivé de Masanobu Fukuoka et adepte des moines de Cîteaux et de leur lien avec la terre. Originaire de Bourgogne, il possède la sagesse de la terre et un certain entêtement, ce qui fait de Heitz un personnage complexe et unique dans le paysage bourguignon, un « animal étrange », comme il aime à se définir. S’il fallait le définir en un mot, on pourrait dire : libéral. Mais pas comme on l’imagine. Un libéral rural, humaniste, spirituel. Ancré mais visionnaire, aussi fier qu’humble. Son héritage s’est transformé en défi.

 

Le Domaine Heitz a été fondé au milieu du 19e siècle lorsque la famille Nié-Vantey a acquis des parcelles de vignes en Bourgogne. Au fil des héritages et des mariages, le domaine est resté dans la famille jusqu’en 2011, date à laquelle Armand, un jeune homme de 24 ans diplômé en œnologie, a pris la relève. Il a commencé en 2013 avec seulement 3 hectares de vignobles et la vision de créer quelque chose de vraiment unique. Son premier millésime est sorti peu de temps après, marquant le début d’un voyage guidé par la passion et la précision. Puis il a décidé d’élargir sa vision : créer un grand vignoble, un projet de vie, un héritage à transmettre. Un défi qui a duré dix ans. Aujourd’hui, le domaine s’étend de Beaune à Chassagne-Montrachet, couvrant quelques-uns des climats les plus prestigieux de la Côte de Beaune : Pommard 1er Cru, Chevalier-Montrachet Grand Cru, Meursault 1er Cru, entre autres. Dans chacune de ces parcelles, Heitz recherche l’équilibre parfait entre pureté, identité territoriale et respect de la terre.

 

Plus agronome qu’idéologue, ses principes sont fermes : respect de la nature, transparence dans le vin, cohérence avec soi-même. Il s’est essayé à la biodynamie, puis est passé à la permaculture et à l’agroécologie, mais sans hésiter à admettre que, sur des sols épuisés, une touche de glyphosate est parfois moins dévastatrice qu’un labour. « Oui, le glyphosate est horrible, dit-il, mais dans certains cas, c’est la chimiothérapie dont le sol a besoin. » Son pragmatisme agronomique transparaît ici, le faisant souvent passer pour un contradicteur. Mais c’est une approche pragmatique qui est cohérente, honnête et toujours au service de la terre.

 

La position d’Armand n’est pas celle d’une adhésion aveugle à une méthode, mais plutôt celle d’une flexibilité pragmatique. Il reconnaît que le labour traditionnel et l’utilisation du glyphosate ont tous deux des impacts environnementaux significatifs et que, dans certains contextes, le choix entre les deux est une question d’équilibre entre les dommages à court terme causés au sol et la durabilité à long terme. Il souligne que le problème ne réside pas dans ces outils eux-mêmes, mais dans un système agricole qui a poussé la terre à ses limites. Selon lui, il est essentiel de ne plus dépendre de ces deux pratiques en adoptant des solutions innovantes, telles que les cultures de couverture, le paillage et la gestion attentive des vignobles. Cette approche s’inscrit dans sa philosophie générale : équilibre, adaptabilité et respect de la nature.

 

Outre l’approche de la gestion des sols, Armand accorde une grande importance à la diversification des cépages. Il cultive une gamme de cépages autorisés au-delà des cépages traditionnels de la Bourgogne, tels que l’aligoté, le melon de Bourgogne et même le souvignier gris, en quête de résilience et d’adaptabilité face à l’évolution des climats et des sols. De plus, son travail sur les cultures de couverture et l’enherbement naturel contribue à la santé des sols et à la biodiversité, tout comme son choix de systèmes alternatifs de conduite de la vigne qui respectent les schémas de croissance naturels de la vigne. Toutes ces pratiques font partie de son engagement plus large en faveur de l’agroécologie et de la viticulture durable.

 

Armand a également choisi d’intégrer le BRF (Broyé de Roches Fragmentées) dans sa stratégie de gestion du vignoble. Cette matière organique, issue du broyage de roches naturelles comme le basalte, est utilisée comme un paillage qui améliore la santé du sol en l’enrichissant en minéraux et en favorisant la vie microbienne. En appliquant cette technique, Heitz maintient la fertilité du sol sans avoir recours aux engrais chimiques. Cette pratique contribue à la structure du sol, à la rétention d’eau et à la santé générale de l’écosystème du vignoble.

 

Il s’agit d’un écosystème cohérent et accessible. À la tête d’une petite équipe de 25 employés, Heitz a créé une structure intégrée, mêlant vignobles, élevage, agritourisme et restauration. Le restaurant Chez Armand, situé au Château de Mimande, est l’une des expressions les plus concrètes de cette vision. Il y propose une cuisine « de la ferme à la table », simple et liée au terroir, avec des viandes provenant directement de ses propres élevages (bovins et agneaux). Ses animaux sont nourris avec de l’herbe et des céréales cultivées sur place, ce qui garantit une chaîne d’approvisionnement courte et une qualité éthique. Le menu change fréquemment, mais reste toujours fidèle aux produits locaux et de saison. Et, contrairement à beaucoup de vins de Bourgogne, les vins du domaine sont vendus à des prix accessibles : ils sont délibérément tenus à l’écart de la spéculation des marchés du vin de luxe. Un choix politique plutôt que commercial.

 

Armand Heitz n’aime pas les extrêmes : ni les écologiques qui nient la réalité agricole, ni les industriels qui réduisent tout au profit et à la performance. Il critique la surproduction, la surmodernité et le culte de l’argent, mais il est aussi un entrepreneur responsable qui travaille sérieusement dans le but de laisser une trace, y compris humaine. Pour lui, la liberté est une forme de responsabilité : envers ses filles, envers le patrimoine, envers le lieu où il vit.

 

Les vins sont présentés dans un style traditionnel mais aussi contemporain, fidèle à l’origine du terroir et à son goût.